Dans un contexte mondial de mutation de la coopération internationale, marqué par la baisse progressive de l’aide publique au développement et les réorientations stratégiques des grandes puissances, la Société financière internationale (SFI) adapte sa stratégie en Afrique de l’Ouest. Olivier Buyoya, Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest à la SFI, a partagé, dans un entretien accordé à l’Agence Ecofin, les grandes lignes de cette nouvelle approche, axée sur l’innovation, le financement privé et le développement durable.
Bidossessi WANOU
La transformation des relations internationales, notamment les décisions récentes des États-Unis en matière commerciale et la baisse des engagements des pays donateurs, redéfinit les perspectives de financement pour les pays d’Afrique de l’Ouest. Les dispositifs préférentiels comme l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), qui facilitent l’accès des produits africains au marché américain, pourraient être remis en cause. « Si ces avantages venaient à disparaître, cela affecterait la compétitivité de nos exportations », souligne Olivier Buyoya, Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest à la SFI tout en rappelant que la majorité des ressources de la SFI provient des marchés de capitaux, grâce à sa notation AAA. Cette autonomie financière permet à l’institution de maintenir son engagement malgré la raréfaction des financements concessionnels. Face à cette nouvelle donne, la SFI plaide pour un sursaut régional : « C’est peut-être le bon moment pour accélérer l’intégration économique régionale, en misant davantage sur le marché continental via la mise en œuvre effective de la ZLECAf », estime le Directeur régional. Une stratégie qui renforcerait la résilience des économies africaines face aux incertitudes extérieures.
La technologie, levier de transformation du tissu productif
Dans son plan d’action, la SFI mise fortement sur les nouvelles technologies. FinTech, AgriTech, HealthTech… autant de segments soutenus par des fonds dédiés qui viennent pallier les insuffisances structurelles de l’économie ouest-africaine. En agriculture, par exemple, le retard de l’agro-industrie est davantage lié à un déficit de coordination qu’à un manque de ressources. « Ce n’est pas un problème de terres ou d’eau, mais de productivité », affirme Buyoya. Les solutions numériques permettent aujourd’hui de moderniser les exploitations, d’améliorer les rendements et d’assurer un approvisionnement stable pour les industries locales. Du côté des FinTech, leur rôle est tout aussi crucial. En fluidifiant les paiements dans les chaînes de valeur et en facilitant l’accès au crédit pour les PME, ces outils technologiques « agissent comme des tuyaux qui accélèrent la circulation de l’élément le plus vital : le cash », analyse le responsable de la SFI. Résultat : un gain de compétitivité et un renforcement du tissu économique local.
Climat : la durabilité comme moteur de compétitivité
Face à l’urgence climatique, la SFI se veut proactive. En Afrique de l’Ouest, les effets du dérèglement sont palpables : inondations, sécheresses, pertes agricoles… L’enjeu environnemental n’est plus une abstraction. Il devient un critère fondamental dans les choix d’investissement de l’institution. « Nous ne finançons que des projets portés par des clients qui partagent cette vision », précise Olivier Buyoya. L’accent est mis sur les énergies renouvelables, notamment le solaire, pour verdir les chaînes industrielles et réduire les coûts de production. Grâce aux innovations technologiques, il est désormais possible de bâtir un mix énergétique compétitif et durable, ce qui représente un avantage économique réel, au-delà des impératifs environnementaux. Tous les projets soutenus par la SFI font l’objet d’évaluations environnementales et sociales rigoureuses : gestion des déchets, pollution, inclusion des communautés, efficacité énergétique… Un accompagnement que les partenaires de la SFI considèrent comme un gage de solidité à long terme. Dans une Afrique de l’Ouest en pleine mutation, confrontée à la fin d’un cycle d’aide traditionnelle, la SFI adapte son modèle en s’appuyant sur la dynamique régionale, le potentiel des nouvelles technologies et l’exigence de durabilité. Un triptyque stratégique qui vise à ancrer le développement dans une logique d’autonomisation, d’innovation et de résilience face aux chocs à venir.