Deux allocutions ont marqué les temps forts de la cérémonie d’ouverture de la 2e session ordinaire de l’Assemblée nationale qui s’est déroulée, le 31 octobre 2025, au Palais des gouverneurs à Porto-Novo. Il s’agit du discours du Président de l’Assemblée nationale du Sénégal, Malick N’Diaye, et de celui du Président de l’Assemblée nationale du Bénin, Louis Gbèhounou Vlavonou.
L’un des sujets importants abordés par le Président Vlavonou porte sur l’intégration africaine, celle conduite par les dirigeants politiques qu’on appelle « intégration par le haut » et qui consiste à confier les rênes de l’intégration à la classe politique. Dans cette forme d’intégration, a souligné le Président Vlavonou, dirigeants politiques et leaders d’opinion sont considérés comme des acteurs privilégiés. Les propos du Président Louis Gbèhounou Vlavonou ont, de façon courageuse, fait ressortir ce qui est à la base de l’échec de ce type d’intégration.
“L’intégration par le haut est surtout prônée par les panafricanistes. Avant et après les indépendances, un certain nombre de personnes parmi les élites africaines, convaincues, à l’instar de Kwame N’Krumah, que pour sortir du sous-développement, l’Afrique doit s’unir, rêvent d’une Afrique une et indivisible, sans frontières, dirigée par un seul chef. Pour ces panafricanistes, l’émiettement du continent étant la cause de ses problèmes économiques et de sa faiblesse politique, la création d’une fédération regroupant tous les pays et fédérant les ressources humaines et naturelles permettrait aux Africains de se faire entendre sur la scène mondiale”, a rappelé le Président de l’Assemblée nationale du Bénin.
Pour lui, cette idée, à dire vrai, ne manque pas d’humanisme puisqu’elle est une réponse au désir de fraternité naturelle qui anime les peuples ayant traversé les mêmes épreuves, notamment la traite négrière, les invasions étrangères, la colonisation et le néocolonialisme, qui sont autant de brûlures ayant jalonné l’histoire du continent. Mais hélas, des obstacles à la réalisation d’un idéal salvateur ont tôt fait de ruiner les espoirs.
Les gouvernants ne sont pas prêts
L’une des grandes interrogations qu’a soulevée la réflexion du Président Louis Vlavonou sur le panafricanisme est de savoir si le cri de cœur de N’Krumah, « L’Afrique doit s’unir », qui sonne comme un écho lointain de « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » de Karl Marx, et qui constitue surtout un idéal salvateur, a connu un aboutissement heureux.
Là-dessus, les réponses peuvent diverger. Mais les faits sont là. Et c’est ce qu’a bien souligné le Président Vlavonou en mentionnant que : “Si l’idée du panafricanisme séduit beaucoup de personnes, la traduire en actes, la faire passer du monde des idées à celui des existences, paraît cependant difficile.” À preuve, la Fédération du Mali, regroupant le Sénégal et le Mali, initiée par les présidents sénégalais Léopold Sédar Senghor et malien Modibo Keïta, de regrettée mémoire — cette Fédération que l’on peut considérer comme la phase expérimentale ou l’état embryonnaire des « États-Unis d’Afrique » — a volé en éclats peu de temps après sa création.
Pour le Président Louis Vlavonou, le mal est tout simplement profond. “Sans connaître les tenants et les aboutissants de la rupture, on comprend déjà que, dans l’optique d’une union, des dissensions ne sont pas à exclure entre les chefs d’État africains, toutes choses qui remettent en cause l’idée d’une intégration par le haut”, a-t-il dit.
Poursuivant ses propos, il a souligné que : “La raison de ces dissensions est à chercher dans le fait que chaque dirigeant africain est, au sens où l’entend Machiavel, un prince, c’est-à-dire un souverain qui exerce un pouvoir réel et tient à le conserver.” “Céder une partie de la souveraineté nationale, comme cela est inévitable dans tout regroupement d’États, est une pilule difficile à avaler”, a-t-il ajouté, pour dire enfin qu’en général, « les gouvernements ne sont pas prêts à subordonner les intérêts immédiats des politiques nationales aux objectifs économiques à long terme de la région ».
Rapports tendus entre chefs d’État
Pour le Président Vlavonou, les rapports entre chefs d’État en Afrique, à quelques exceptions près, ressemblent à ceux qui prévalent entre deux consciences dans la dialectique du maître et de l’esclave. “Derrière les sourires affichés lors des sommets et autres rencontres, derrière les poignées de main échangées devant les caméras, existent des rivalités tenaces. Si, chez Hegel, le conflit fait place à une situation de paix, les rivalités entre dirigeants politiques en Afrique s’estompent rarement”, a-t-il dit. Ce qui, selon lui, appelle à un sursaut d’orgueil pour que se réalise enfin une vraie intégration des peuples.
Raoul GANDAHO
Correspondant Régional Ouémé -Plateau

