Fort de plus de deux décennies d’expérience reconnue en administration douanière et relations internationales, Ludovic Thanay a joué un rôle central dans la facilitation du commerce mondial. Lors de son passage à l’Organisation mondiale des douanes, il a dirigé d’importantes initiatives de communication et de politique touchant plus de 100 pays. Aujourd’hui, en tant que Vice-Président Senior chez Webb Fontaine, Ludovic Thanay exploite les technologies de pointe telles que l’intelligence artificielle et l’analyse de données pour transformer les opérations douanières, renforcer la sécurité des recettes et accélérer le commerce transfrontalier durable.
- Quelle est l’importance des technologies numériques dans la transformation et la facilitation des accords commerciaux régionaux en Afrique ?
Aujourd’hui, la transformation numérique ne relève plus du choix stratégique : elle est une réalité incontournable. Le commerce intra-africain, aussi prometteur qu’il soit, demeure freiné par une mosaïque de réglementations, des systèmes encore trop souvent cloisonnés et des niveaux d’infrastructure très inégaux. Pourtant, derrière cette hétérogénéité se cache une formidable opportunité: celle de bâtir un socle commun à travers le numérique.
Prenons l’intelligence artificielle: elle ne se contente pas d’automatiser, elle éclaire. Elle permet de structurer les données, de révéler des tendances jusqu’ici invisibles, d’anticiper les mouvements plutôt que de les subir. Elle transforme la manière dont les administrations douanières prennent des décisions, en leur offrant des leviers prédictifs, adaptatifs, puissants.
Chez Webb Fontaine, nous œuvrons à cette mutation avec des solutions qui vont au-delà de la simple numérisation des procédures existantes. Nous concevons des environnements technologiques complets: Guichet Unique, systèmes douaniers, plateformes portuaires, écosystèmes interconnectés pensés pour évoluer avec les réalités locales.
Mais ce n’est pas qu’une affaire de technique. Le numérique apporte de la traçabilité, renforce la redevabilité, et rétablit la confiance dans les chaînes commerciales. Dans le contexte de la ZLECAf, où les accords nécessitent une mise en œuvre collective et cohérente, cette dimension de transparence est essentielle pour bâtir une intégration véritablement inclusive.
Enfin, le numérique est un vecteur de convergence. En promouvant des cadres communs, des langages partagés, des systèmes interopérables, nous construisons, pas à pas, les fondations d’un espace commercial africain plus fluide, plus juste et plus connecté. - Comment Webb Fontaine utilise-t-elle les solutions numériques pour améliorer l’efficacité et la transparence des échanges commerciaux dans le cadre de la ZLECAf ?
C’est par la donnée que se construit toute démarche de transparence. Mais cette donnée n’a de valeur que si elle est accessible, lisible et exploitable. C’est pourquoi nos plateformes intègrent des modules intelligents qui accompagnent l’utilisateur, tout en simplifiant les processus.
Prenons Webb Valuation : il s’appuie sur des algorithmes pour évaluer la cohérence des valeurs déclarées. Webb Classification, de son côté, guide les agents dans le choix du bon code tarifaire. Ces outils ne remplacent pas l’expertise humaine, ils l’enrichissent.
En rendant les opérations traçables, auditées et interconnectées, nos solutions deviennent des instruments de confiance. Cela permet aux États d’améliorer la collecte des recettes, mais aussi de renforcer le dialogue avec les acteurs privés, notamment dans le cadre d’accords comme la ZLECAf qui exigent une gouvernance collaborative.
Notre approche repose également sur une architecture modulaire. Ainsi, une administration peut progressivement enrichir son écosystème numérique : en ajoutant par exemple un Guichet Unique pour coordonner les documents, ou en intégrant Webb Ports pour optimiser la gestion portuaire. Toutes ces solutions dialoguent entre elles, assurant cohérence, rapidité et fluidité dans le traitement des opérations commerciales.
Nous avons également développé des outils complémentaires comme Paylican, notre plateforme de facturation et de paiement en ligne. Ces briques s’ajoutent à l’écosystème existant pour former une infrastructure robuste et évolutive, capable de s’adapter aux priorités des administrations. - En quoi vos outils digitaux contribuent-ils à renforcer la sécurité des procédures douanières et à lutter contre la fraude commerciale au sein des marchés africains ?
La sécurité des échanges repose sur la capacité à détecter l’anomalie sans pénaliser la fluidité. Nos outils sont conçus pour fonctionner dans cet équilibre subtil. Grâce à l’intelligence artificielle, Webb Valuation établit des profils de référence et signale automatiquement les écarts significatifs.
Nous avons aussi intégré des outils de pré-évaluation, comme le KYC (Know Your Customer), qui permettent de qualifier les opérateurs en amont. Cela réduit les angles morts du système et renforce l’intégrité du processus de dédouanement.
L’approche par les risques, que nous avons intégrée dans Webb Customs, rend les contrôles plus efficaces, plus ciblés. Elle contribue à lutter contre la fraude sans engorger les chaînes logistiques, en protégeant l’intégrité du système tout en préservant la compétitivité.
À cela s’ajoutent les capacités de Webb Tracking, qui permettent de suivre en temps réel les cargaisons en transit. Ce niveau de visibilité réduit considérablement les tentatives de détournement ou de substitution de marchandises. Combiné à des alertes automatiques et à des tableaux de bord analytiques, l’ensemble de la chaîne devient plus résiliente face aux menaces et aux comportements frauduleux.
Dans des contextes où la contrebande ou la sous-déclaration restent des pratiques répandues, ces solutions offrent aux autorités des leviers d’intervention rapides, documentés et juridiquement solides. C’est un renversement de perspective : on passe de la réaction à la prévention, du soupçon généralisé à l’analyse ciblée. - Quels défis numériques spécifiques rencontrent les pays africains lors de la mise en œuvre de la ZLECAf, et comment vos solutions innovantes y répondent-elles ?
Les défis sont multiples : hétérogénéité des systèmes, faible interopérabilité, disparités de connectivité et parfois, manque de coordination entre les agences publiques. Mais ces obstacles ne sont pas insurmontables. Ils demandent une approche sur-mesure, fondée sur l’écoute et l’adaptation.
Nos solutions sont pensées pour évoluer dans ces environnements hybrides. Au Niger, par exemple, nous avons déployé un système de suivi des flux transfrontaliers adapté aux réalités du terrain, tout en respectant les exigences techniques de la ZLECAf. En Guinée, nous avons renforcé la connectivité des postes frontières en introduisant des plateformes légères mais puissantes.
Chaque projet que nous menons commence par une analyse des capacités locales. Nous travaillons ensuite à co-construire des solutions évolutives qui prennent en compte les contraintes politiques, techniques et humaines.
Nos plateformes permettent également de développer une mémoire numérique institutionnelle. En capitalisant sur les données collectées, les administrations peuvent affiner leurs politiques, anticiper les besoins de réforme et bâtir des systèmes douaniers mieux intégrés à la dynamique régionale. C’est cette capacité d’adaptation continue qui fait toute la différence dans la réussite d’une transformation numérique à long terme.
L’enjeu est aussi d’éviter les silos technologiques. Nous encourageons les approches collaboratives, fondées sur des normes ouvertes et des API partagées, afin de garantir la continuité et la compatibilité des systèmes à l’échelle régionale. - Comment l’intelligence artificielle et d’autres technologies émergentes sont-elles intégrées dans vos solutions pour optimiser les processus commerciaux transfrontaliers?
Chez Webb Fontaine, nous avons fait le choix d’intégrer l’intelligence artificielle (IA) de manière ciblée et stratégique dans l’ensemble de nos solutions. Loin d’être une simple technologie à la mode, l’IA devient un véritable partenaire de l’action publique en matière douanière et commerciale. Elle permet de transformer une donnée brute en information exploitable, et une information en intelligence opérationnelle.
Dans Webb Valuation, par exemple, l’IA évalue des milliers de références et historiques pour détecter automatiquement des valeurs sous-évaluées, souvent utilisées pour échapper aux droits et taxes. Cette analyse automatisée assure une plus grande cohérence dans la perception des recettes et renforce la justice fiscale. Dans Webb Classification, elle assiste les agents dans le choix du bon code SH à partir d’une simple description, limitant ainsi erreurs, litiges et délais inutiles.
Nous utilisons également la reconnaissance optique de caractères (OCR) pour extraire automatiquement les informations de documents commerciaux, accélérant leur traitement tout en garantissant leur intégrité. Grâce à la géolocalisation intégrée dans Webb Tracking, les cargaisons sont suivies en temps réel, renforçant la transparence tout au long du processus logistique.
Nos algorithmes de gestion du risque, intégrés à Webb Customs, apprennent continuellement des comportements observés. Cela permet de concentrer les efforts de contrôle sur les cargaisons les plus à risque, tout en allégeant les procédures pour les opérateurs conformes. Cette logique prédictive libère des ressources et renforce la performance globale des administrations.
En combinant ces technologies au sein d’écosystèmes numériques cohérents comme Webb Ports, Webb Customs ou Webb Tracking, nous offrons aux pays une maîtrise renforcée de leurs échanges, un pilotage plus fin de leurs ressources et une capacité d’anticipation inédite. Cela constitue une réponse concrète aux exigences de fluidité, de sécurité et de conformité imposées par les dynamiques commerciales contemporaines. C’est cette capacité à anticiper et à s’adapter qui définit notre engagement aux côtés des administrations douanières du continent. - Pourriez-vous partager des exemples concrets où la digitalisation a permis de réduire les délais de dédouanement et d’améliorer la fluidité du commerce intra-africain ?
Chaque contexte appelle une solution spécifique. En Côte d’Ivoire, la mise en place de Webb Trade Single Window et Webb Valuation a permis de réduire le temps moyen de dédouanement de plusieurs jours à moins de 24 heures pour les opérateurs conformes. Les déclarations peuvent être traitées dès leur soumission, et les contrôles sont désormais orientés vers les cargaisons réellement à risque.
Au Bénin, la digitalisation des processus liés aux marchandises en transit, grâce à Webb Tracking, a permis de réduire les détournements de cargaisons et d’augmenter la part des recettes rapatriées. Mais au-delà du transit, le Bénin a été l’un des premiers pays à mettre en œuvre une approche intégrée de gestion douanière avec Webb Customs, Webb Valuation. Cette combinaison a permis de renforcer l’analyse des risques, de simplifier les procédures administratives et de renforcer la confiance des opérateurs économiques. Résultat : une hausse significative des recettes douanières, une meilleure conformité et une réduction notable des fraudes.
Au Nigéria, notre plateforme intégrée a permis à l’administration douanière de centraliser les données, améliorer l’analyse des risques, et fluidifier les relations avec les opérateurs économiques agréés.
Ces exemples montrent que la digitalisation, loin d’être un luxe technologique, est un facteur de compétitivité et de justice fiscale. Nous observons aussi une meilleure coordination inter-agence, des circuits d’approbation plus courts, et une augmentation du taux de conformité volontaire – autant d’indicateurs positifs pour les économies africaines.
Au-delà du continent africain, des expériences réussies au Népal et au Bangladesh, entre autres, méritent également d’être citées. Dans ces pays, la mise en œuvre de guichet unique du commerce extérieur et d’outils d’analyse de risques a permis de réduire significativement les délais de dédouanement. Ces projets démontrent que l’impact de la digitalisation transcende les frontières régionales, et que les solutions comme celles de Webb Fontaine peuvent être adaptées à des contextes variés tout en maintenant un haut niveau d’efficacité et de conformité. - Quelle vision numérique avez-vous pour l’avenir de l’intégration commerciale en Afrique, et comment Webb Fontaine entend-elle accompagner cette transformation digitale à long terme ?
L’Afrique doit penser ses propres standards numériques, bâtir ses propres architectures de confiance, et se doter d’outils adaptés à ses ambitions. La digitalisation ne doit pas être subie, elle doit être choisie, maîtrisée, et ancrée dans une stratégie de développement durable.
Chez Webb Fontaine, nous voulons être un catalyseur de cette souveraineté numérique. Nous accompagnons les États dans la définition de leurs priorités, dans le transfert de compétences, et dans la création d’écosystèmes technologiques résilients.
Notre vision s’appuie sur une conviction simple : l’avenir du commerce africain sera façonné par des solutions africaines, pensées et développées avec les talents du continent. Et c’est ensemble, secteur public et privé, que nous construirons ce futur numérique.
Nous croyons aussi à l’intégration progressive, par étapes, en respectant les spécificités locales tout en posant les fondations d’un système harmonisé. À travers nos partenariats avec des institutions régionales, des universités et des centres d’innovation, nous favorisons un transfert de savoir durable et une culture numérique pérenne, au service d’une Afrique plus connectée, plus autonome, et pleinement actrice de son développement commercial.

