Le dernier rapport de la Banque mondiale montre que le mobile money s’impose comme un moteur de l’épargne sur le continent africain. Malgré des taux d’adoption record, son rôle dans l’accès au crédit demeure limité, freiné par la réglementation, la méfiance et des modèles économiques prudents.
S.T.
En l’espace de trois ans, le mobile money a changé d’échelle en Afrique. Selon le rapport « The Global Findex Database 2025 : Connectivity and Financial Inclusion in the Digital Economy » publié en juillet par la Banque mondiale, la proportion d’adultes africains disposant d’un compte de mobile money est passée de 27 % en 2021 à 40 % en 2024, le taux le plus élevé au monde. Ce progrès résulte de plusieurs facteurs. 23 % des adultes ont épargné via leur compte mobile en 2024, contre 13 % trois ans plus tôt.
Dans des pays comme le Ghana, le Kenya, le Sénégal ou l’Ouganda, plus d’un adulte sur deux utilise la monnaie mobile pour mettre de l’argent de côté. Une dynamique portée par la facilité d’accès aux agents de proximité, les dépôts et retraits flexibles, et par une plus grande inclusion des zones rurales et informelles. En revanche, le crédit mobile progresse peu. En 2024, seulement 7 % des adultes africains ont emprunté via leur compte mobile, un chiffre inchangé par rapport à 2021, alors que près de 59 % ont contracté un prêt, principalement auprès de sources informelles comme la famille ou les tontines. Dans les marchés les plus avancés tels que le Kenya, le Ghana et l’Ouganda, 22 à 32 % des adultes ont recours à ce type de prêt, mais les montants restent faibles, de courte durée, et souvent assortis de taux d’intérêt élevés.
La Banque mondiale identifie plusieurs freins tels que la réglementation prudente par crainte de surendettement ou de fraude, la préférence des opérateurs pour les services à faible risque comme le dépôt ou le paiement, et les hésitations des clients face à un canal encore peu identifié comme fiable pour le prêt. La faible culture financière et des critères d’éligibilité stricts accentuent ces réticences. Certaines fintech tentent de combler ce vide avec des offres de nano-crédit ou de scoring alternatif pour les micro-entrepreneurs.
Les pays où les opérateurs mobiles, les banques et les régulateurs travaillent en synergie avancent plus vite, mais ailleurs, l’offre se développe prudemment.
Pour que le mobile money devienne un véritable levier d’investissement productif, la Banque mondiale appelle à renforcer la littératie financière, améliorer la protection des usagers contre les arnaques et le surendettement, et adapter les produits de crédit aux réalités économiques locales. L’interopérabilité entre services, une meilleure transparence et une offre calibrée sur les besoins des populations pourraient transformer cet outil d’épargne en moteur de financement inclusif.