La cybercriminalité continue de sévir en Afrique, menaçant les économies et les systèmes de sécurité des États. Face à ce fléau, la plupart des pays misent sur la répression : arrestations, peines de prison et lourdes amendes. Mais le Nigeria opte pour une approche inédite. Plutôt que de se limiter aux sanctions, le pays implique désormais d’anciens cybercriminels dans sa stratégie de cybersécurité. Une reconversion encadrée qui transforme les ex-pirates en alliés de la lutte. Une initiative qui pourrait inspirer le reste du continent.
Bidossessi WANOU
Le Nigeria adopte une nouvelle approche audacieuse dans la lutte contre la cybercriminalité : réinsérer les anciens cybercriminels en les formant aux métiers du numérique. L’initiative, dévoilée par Ola Olukoyede, président de la Commission nationale des crimes économiques et financiers (EFCC), prévoit la création d’une académie spécialisée pour transformer les compétences techniques de certains délinquants en outils au service de l’économie numérique. L’annonce a été faite lors de la Conférence nationale sur la cybersécurité tenue à Abuja les 9 et 10 juillet 2025. Selon les autorités, les profils ciblés sont ceux de personnes interpellées pour des délits informatiques, mais disposant de compétences techniques pointues. L’objectif est de réorienter ces aptitudes vers des usages légaux, notamment dans le développement de logiciels ou la cybersécurité. Un premier cycle de formation concernera 500 anciens cybercriminels, avec une extension envisagée à 2 500 bénéficiaires. Pour accompagner leur réinsertion, les participants recevront une allocation mensuelle et un suivi professionnel. Ce projet s’inscrit dans une stratégie globale de lutte contre un phénomène de plus en plus préoccupant. La transformation numérique du pays a entraîné une recrudescence des cybercrimes, avec des conséquences économiques lourdes. Selon la Nigerian Communications Commission (NCC), la cybercriminalité coûte au Nigeria près de 500 millions de dollars chaque année. Face à cette menace, les autorités nigérianes multiplient les initiatives.
En octobre 2024, l’EFCC a lancé un centre de réponse rapide aux cybercrimes, opérationnel 24h/24, afin de faciliter la dénonciation des actes malveillants en ligne. En avril 2025, un protocole d’accord a été signé avec le Royaume-Uni pour renforcer la coopération bilatérale en matière de cybersécurité. En novembre 2024, une opération coordonnée par Interpol avait conduit à l’arrestation de 306 cybercriminels à travers le continent africain, dont 130 au Nigeria. Toujours au titre de l’année 2024, la police nigériane a procédé à l’arrestation de 751 individus impliqués dans des délits numériques. Si l’idée de réhabiliter les cybercriminels est vieille sachant que le président Bola Ahmed Tinubu en avait fait une promesse de campagne, c’est la première fois qu’un programme structuré est officiellement lancé. Au-delà de la formation technique, la réussite de cette initiative reposera sur un accompagnement moral et professionnel. La collaboration entre institutions, forces de l’ordre, acteurs financiers, régulateurs et société civile sera également déterminante pour garantir une réinsertion durable et bâtir une cybersécurité plus résiliente.