La Banque africaine de développement (Bad) ouvre un nouveau chapitre de son histoire avec l’arrivée de Sidi Ould Tah à sa présidence. Placé sous le signe du réalisme et de l’ambition, le mandat de l’économiste mauritanien devra conjuguer consolidation des acquis et réponses aux urgences du continent.
Aké MIDA
Elu en mai dernier, le Mauritanien Sidi Ould Tah a officiellement pris ses fonctions le 1er septembre comme neuvième président du Groupe de la Banque africaine de développement (Bad). Il succède à Akinwumi Adesina et hérite d’une institution solide mais confrontée à des défis majeurs, tels que le financement du développement, le changement climatique, la sécurité alimentaire et l’emploi des jeunes sur le continent.
Conscient des enjeux, le nouveau dirigeant a promis une présidence guidée par l’efficacité et le sens de l’action. « Nous serons la banque qui comblera les fossés entre les régions, entre les ambitions et la mise en œuvre, entre le public et le privé », a-t-il lancé dans son discours d’investiture, accueilli par une ovation.
Avec un capital de 318 milliards de dollars et une notation AAA maintenue depuis dix ans, la Bad figure parmi les institutions financières les plus solides au monde. Au cours de la dernière décennie, elle a approuvé plus de 102 milliards de dollars de financements en faveur du développement du continent.
Priorités et engagements
Sidi Ould Tah a présenté les quatre axes de son action pour entamer son mandat. Il veut d’abord instaurer une écoute active avec les gouvernements, les partenaires et le personnel de la Banque. Il entend ensuite lancer un programme de réformes pour rendre l’institution plus agile et plus performante.
L’approfondissement des partenariats, en particulier avec les fonds souverains, les fonds de pension et les investisseurs privés, figure également en bonne place. Enfin, il promet d’accélérer la mise en œuvre de solutions concrètes, notamment par l’inclusion d’un pilier dédié à la paix dans les modèles d’investissement.
La jeunesse africaine sera au cœur de ses priorités. D’ici 2050, le continent comptera près de 2,5 milliards d’habitants. Transformer ce défi démographique en atout exige d’investir massivement dans l’éducation et la formation professionnelle. « La jeunesse peut devenir un handicap si l’on ne met pas en place des politiques robustes de formation », a mis en garde Koffi N’Guessan, ministre ivoirien de la Formation professionnelle.
Un contexte difficile
L’Afrique traverse une période complexe. Le ralentissement de l’aide internationale, l’annonce du retrait des Etats-Unis du Fonds africain de développement (Fad), les conséquences du changement climatique et les tensions géopolitiques fragilisent les efforts en cours.
Le président Ouattara a qualifié cette transition de « jalon historique » tandis que son homologue mauritanien a rappelé « la lourde responsabilité » de maintenir la Banque au cœur des solutions africaines.
La sécurité alimentaire représente un autre enjeu central. Alors que l’Afrique dispose de 65 % des terres arables non exploitées dans le monde, elle importe chaque année 75 milliards de dollars de denrées. La Banque a déjà mobilisé 1,5 milliard de dollars en 2022 pour soutenir 34 pays à travers la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence, mais le nouveau président veut renforcer la préparation des projets et améliorer leur bancabilité afin d’attirer davantage de financements climatiques et privés.
« Le temps est venu pour l’Afrique de générer ses propres ressources », a rappelé Vincent O. Nmehielle, secrétaire général de la Banque.
Un parcours qui inspire confiance
Economiste de formation, docteur de l’université de Nice Sophia Antipolis et polyglotte, Sidi Ould Tah cumule plus de 40 ans d’expérience. Ancien ministre de l’Economie et des Finances de Mauritanie, il a dirigé la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) pendant dix ans. Sous sa présidence, les actifs de l’institution sont passés de 4 à près de 7 milliards de dollars et sa notation a atteint le niveau AAA.
Son profil, à la fois technique et politique, rassure les partenaires de la Bad qui voient en lui un dirigeant capable d’insuffler une nouvelle dynamique tout en consolidant les acquis. Son élection en mai dernier avec plus de 76 % des voix, soit la plus large marge jamais obtenue par un président pour un premier mandat, en est la preuve.
La présidence de Sidi Ould Tah sera jugée à l’aune de sa capacité à transformer ces contraintes en opportunités et à accélérer la marche vers une Afrique plus autonome et ambitieuse. Comme il l’a affirmé dans son discours d’investiture, la Banque ne doit pas « chercher à être tout pour tout le monde », mais concentrer ses efforts là où elle peut avoir le plus d’impact.
A. M.