L’entêtement de certains pêcheurs à perpétuer des pratiques interdites, ainsi que l’utilisation d’outils prohibés, contribue à la dégradation du milieu aquatique et à la baisse alarmante de la productivité halieutique.
Marius KPOGUE
Des méthodes, étrangères aux traditions de la pêche béninoise, ont été acquises lors de séjours de pêcheurs dans des pays voisins. Parmi les techniques les plus nuisibles, figure l’usage de filets à mailles fines, comparables à des moustiquaires. Ces filets capturent indistinctement tous les poissons sur leur passage, y compris les alevins, ces jeunes poissons qui devraient pourtant grandir pour assurer les futures récoltes. Ce type de pêche non sélective compromet non seulement l’équilibre écologique des eaux, mais menace également la durabilité des ressources halieutiques.
Comment opèrent-ils ?
Des pêcheurs indélicats disposent deux barques, l’une distante de l’autre de cent mètres environ, sur la mer. Ils attachent un long filet à mailles fines entre les barques qu’ils conduisent sur des kilomètres. Au cours du trajet, le filet ramassent tout sur son passage même les filets d’autres pêcheurs. Mais les conséquences vont bien au-delà. Ce mode de pêche ravage les récifs, véritables nids de reproduction des poissons, et dérègle l’équilibre naturel de l’écosystème marin. « C’est une pêche très dangereuse. Elle détruit l’écosystème marin. Leur filet, à son passage, bouleverse l’ordre naturellement établi dans la mer pour la vie et la reproduction des poissons », alerte Franck Emilien Da costa, président de la Fédération des pêcheurs marins artisans et assimilés du Bénin (FéPéMAA –Bénin).
Une deuxième méthode, tout aussi dangereuse, consiste à poser des explosifs artisanaux à base de carbure sur des rochers ou sur des épaves immergées (anciens avions, bateaux ou autres appareils abandonnés), où les poissons ont naturellement l’habitude de se réfugier. Les pêcheurs encerclent d’abord la zone avec des filets, puis déclenchent l’explosion. Le bruit pousse alors les poissons à fuir précipitamment… pour finir prisonniers dans les filets. Cette technique, en plus de causer un traumatisme brutal à la faune marine, pollue gravement l’eau et rend certains poissons impropres à la consommation, comme le déplore Franck Emilien Da Costa, président de la FéPéMAA–Bénin : « Ces poissons sont intoxiqués par le carbure, qui pollue d’abord l’eau, avant de nuire à la santé humaine ».
Une autre pratique illégale consiste à immerger un projecteur lumineux dont la lumière attire les poissons. Le pêcheur attend alors que ceux-ci se regroupent, avant de lancer son filet. Cette méthode, très efficace à court terme, est pourtant extrêmement destructrice, car elle entraîne des captures massives et non sélectives, compromettant le renouvellement des espèces. « Le ramassage en grande quantité, sans se soucier de l’avenir de la pêche, c’est du génocide marin. C’est nuisible autant à la vie humaine qu’à la mer où nous pêchons », s’indigne Gérard Tofouin, pêcheur artisan. Selon les spécialistes, ces pratiques intensives vident l’océan de ses ressources, menacent l’équilibre écologique et mettent en péril la sécurité alimentaire des générations futures.
Une pression démographique qui aggrave la crise
L’explosion démographique constitue l’un des facteurs majeurs à l’origine de ces pratiques anormales et destructrices. Le même océan qui, autrefois, nourrissait une population béninoise d’environ quatre millions d’habitants, doit aujourd’hui subvenir aux besoins de plus de douze millions. Dans ce contexte, la pression sur les ressources halieutiques s’est accrue, et certains pêcheurs, poussés par le besoin de rendement, n’hésitent plus à bafouer les normes coutumières et juridiques de la pêche.
Malgré la coexistence de plusieurs sources d’approvisionnement (pêche maritime, pêche continentale, pisciculture et poissonneries), la demande nationale en poisson reste largement insatisfaite. Conséquence : la surpêche s’intensifie, au détriment de la durabilité du secteur. Louis Victor Ametepe, président de l’Union nationale des pêcheurs marins, artisans et assimilés du Bénin, tire la sonnette d’alarme : « Avec la surpêche, la reproduction des poissons devient lente et difficile. Cela affecte gravement les rendements. Si autrefois nous pouvions capturer 30 tonnes de poissons par an, aujourd’hui, nous peinons à atteindre 10 tonnes ».
Face à cette réalité, les acteurs du secteur appellent à une réforme urgente des pratiques de pêche, appuyée par des politiques de contrôle rigoureuses et des efforts accrus de sensibilisation à la préservation des ressources marines.
Nécessité de réprimer…
Pour Franck Emilien Da Costa, président de la Fédération des pêcheurs marins artisans et assimilés du Bénin (FéPéMAA–Bénin), les campagnes de sensibilisation ont atteint leurs limites. « Les sensibilisations ne suffisent plus. Elles doivent être suivies de répression, notamment de la part de la Brigade des plans d’eau », martèle-t-il. Cette brigade, créée par le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, a pour mission de veiller au respect des réglementations en milieu aquatique. Cependant, elle souffre d’un cruel manque de moyens : absence de barques motorisées, manque de procédures claires, et personnel insuffisamment formé. « Ces personnes indélicates doivent subir les rigueurs de la loi », insiste Franck Emilien Da Costa, appelant à une réforme urgente pour rendre cette unité réellement opérationnelle.