(L’emploi des jeunes demeure sa priorité)
À 60 ans, l’ancien ministre mauritanien de l’Économie Sidi Ould Tah prend ses fonctions à la Banque africaine de développement. La cérémonie de passation de service entre le président sortant et entrant de la BAD, s’est déroulée ce lundi 1er septembre 2025 au siège de l’institution à Abidjan, en présence des chefs d’Etat ivoirien et mauritanien Alassane Ouattara et Mohamed Cheikh El Ghazouani et de nombreux invités de marque. Sidi Ould Tah succède ainsi au Nigérian Akinwumi Adesina, qui était aux commandes depuis 2015. Désormais chargé de la première institution de développement de l’Afrique pour cinq ans, il arrive fort de ses expériences, mais devra faire face à des chantiers importants.
Belmondo ATIKPO
Dr Sidi Ould Tah est le 9ème président du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) depuis sa création le 04 août 1963. La cérémonie de passation des charges entre le président sortant de la Banque africaine de développement (BAD), M. Adesina Akinwumi et M. Sidi Ould Tah, élu le 29 mai 2025, s’est déroulée au Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan. Le nouveau président veut mobiliser l’institution pour les enjeux majeurs du continent africain : mobiliser plus de 400 milliards de dollars par an pour les infrastructures, capitaliser le dividende démographique de l’Afrique et diversifier les sources de financement. Le nouveau président de la BAD compte enfin investir davantage dans l’industrialisation et la transformation des matières premières locales pour avoir des économies générant une vraie valeur ajoutée dans le développement social. Dans son allocution, il a indiqué qu’il est impératif pour l’Afrique de ne plus attendre. “ On ne peut plus attendre car il est crucial que dès aujourd’hui l’Afrique commence à développer son industrialisation et que les matières premières africaines soient transformées sur le sol africain’’. Ajoutant que, cela requiert un certain nombre d’efforts sur les infrastructures, sur les facteurs de production et surtout un engagement sans faille de toutes les parties prenantes, surtout les institutions financières africaines et de leurs partenaires à travers le monde. “Le rôle central de la BAD, sa légitimité et son expertise sont très importants pour aider les gouvernements africains à naviguer à travers les temps difficiles dans l’économie mondiale. Et surtout renforcer la capacité de mobilisation des ressources domestiques et le développement d’un espace fiscal capable d’atténuer les chocs exogènes qui sont de nature à impacter la trajectoire des économies africaines” a-t-il précisé.
Allocation d’Alassane Ouattara
Dans le même ordre d’idées, le président ivoirien a souhaité que la Mauritanie et la Côte d’Ivoire continuent de progresser ensemble. La prise de fonction du Dr Sidi Ould Tah intervient à l’issue de dix années de gouvernance remarquable d’Akinwumi Adesina. En s’adressant au Dr Ould Tah, il a été rappelé : « Vous prenez la présidence dans un contexte particulier. Il est impératif que nos investissements soient durables. La créativité de notre jeunesse est un levier pour bâtir l’Afrique que nous voulons ». « Un jour particulier et historique », déclare le ministre Ludovic Ngatse, Président du Conseil des gouverneurs du Groupe de la Banque africaine de développement et Ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Intégration régionale de la République du Congo. Remerciant le président sortant, Akinwumi Adesina, pour son énergie et sa stratégie décennale des « High Five », il a réitéré ses félicitations au président élu, qui prend ses fonctions dans un contexte géopolitique difficile : guerre commerciale, volatilité des matières premières, effets du changement climatique et crise énergétique. Autant de défis à relever pour atteindre l’objectif de la transformation locale des matières premières et de l’industrialisation du continent. « Votre programme intitulé Les Quatre Points cardinaux a été jugé le meilleur. Les espoirs du continent reposent sur vous », a poursuivi le ministre, en soulignant que le Congo assure pour la première fois la présidence du Conseil des gouverneurs du Groupe de la Banque africaine de développement.
Un financier avisé
Ministre des Affaires économiques et du Développement de Mauritanie (2008–2015), Directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) de juillet 2015 à avril 2025, il est familier aux questions du développement. Sous sa direction, la BADEA a bénéficié d’une transformation institutionnelle majeure : quadruplement des actifs, modernisation digitale, adoption d’une stratégie à long terme et obtention de notations créditrices élevées (AA+/AAA). Il détient un doctorat en Économie de l’Université de NiceSophiaAntipolis, ainsi qu’un DEA en Économie de l’Université Paris VII, en plus de diplômes en économie de l’Université de Nouakchott. Ould Tah a une maîtrise parfaite de l’arabe, de l’anglais et du français, avec une compétence professionnelle en portugais et en espagnol. Au cours des 50 dernières années, la BADEA a financé plus de 700 projets dans plus de 44 pays africains, avec une valeur totale dépassant six milliards de dollars. Il a dirigé la croissance de la BADEA, passant de 4 milliards à 7 milliards de dollars d’actifs, avec une notation de crédit AA+/AAA. Sous son leadership, les approbations annuelles de la BADEA ont été multipliées par 12 et les décaissements par huit. Les pays du Golfe persique ont investi plus de 113 milliards de dollars en Afrique en 2022-2023.
Les 04 piliers de ses ambitions

Son expérience, qui combine l’élaboration de politiques et le financement du développement, lui fournit une compréhension approfondie des besoins gouvernementaux et des capacités institutionnelles pour faire face à tout défi. Les besoins économiques de l’Afrique nécessitent urgence, ambition élevée et audace pour bien faire les choses. Les quatre piliers stratégiques, déclinés par M. Tah, visent à positionner la BAD comme fournisseur de premier plan et facilitateur de financement du développement pour le continent. Ces quatre piliers sont : Libérer les ressources financières de l’Afrique (1er); Réformer et consolider la souveraineté financière de l’Afrique (2e); Transformer la démographie en dividende (3e); et Construire des infrastructures résilientes (4e). Ce banquier émérite hérite d’une banque au capital de 318 milliards de dollars et une notation « AAA » maintenue pendant dix années consécutives. Sous son leadership, la BAD et la BADEA ont renouvelé leur partenariat via un mémorandum d’entente signé en 2017 à Khartoum, au Soudan. Avec son expertise, M. Tah compte apporter les réponses adéquates. Il rejoint la BAD au moment où les économies africaines font preuve de résilience dans un monde qui connaît des défis sans précédent, avec des changements géopolitiques incluant la réduction de l’aide au développement extérieure, et les perturbations commerciales induites par la hausse des tarifs douaniers. Selon l’édition 2025 du rapport « Perspectives économiques de l’Afrique », la croissance économique du continent devrait passer de 3,3% en 2024 à 3,9% en 2025 et augmenter à 4,0% en 2026. Le rapport note que 21 pays africains devraient dépasser 5% de croissance en 2025, tandis que quatre d’entre eux, l’Éthiopie, le Niger, le Rwanda, et le Sénégal devraient atteindre une croissance de plus de 7%, soit le seuil nécessaire pour lutter contre la pauvreté et obtenir un développement durable.