Après neuf années d’efforts et 5,4 milliards F Cfa investis, le Projet de réduction des pertes d’eau de la Soneb affiche des résultats contrastés. Les avancées techniques et sociales sont indéniables, mais la diminution de l’eau non facturée reste hors de portée, freinée par des casses répétées sur le réseau.
Aké MIDA
Lancé en 2015 avec l’appui de la Banque africaine de développement (Bad), le Projet de réduction des pertes d’eau de la Société nationale des eaux du Bénin (Soneb) est arrivé à son terme après près de neuf années d’exécution. Doté d’un financement global de 6,64 millions d’unités de compte (Uc), soit environ 5,4 milliards F Cfa, dont 6 millions provenant du Fonds spécial du Nigéria (Ntf), le projet visait à optimiser les services d’alimentation en eau potable à Cotonou, Porto-Novo et leurs agglomérations, en réduisant les pertes d’eau et en renforçant la viabilité financière du service public.
Le projet a permis le remplacement de 40 000 compteurs domestiques, le renouvellement de 2 300 mètres linéaires de conduites vétustes, l’installation de 163 compteurs pour gros consommateurs et la formation de 224 agents de la Soneb (dont 29 femmes) à la gestion de l’eau non facturée (Enf), indique le Rapport d’achèvement de projet (Rap) pour les opérations du secteur public en date du 17 juillet 25 publié par la Bad.
Sur le plan social, près de 3 millions de personnes ont été sensibilisées à l’importance de l’eau potable, dont 1,68 million de femmes. Plus de 720 000 personnes ont bénéficié d’un nouvel accès ou d’un accès amélioré à l’eau potable. Le taux d’abonnés profitant de la tarification sociale est passé de 26 % en 2014 à 30,3 % en 2024.
Gouvernance et leçons tirées
Malgré un taux d’exécution physique estimé à 99,67 % à fin 2024, le projet n’a pas atteint son objectif central, celui de ramener le taux d’eau non facturée de 26 % à 20 %. Au contraire, celui-ci s’est dégradé, atteignant 34,9 % en 2023 avant de redescendre à 32,3 % en 2024. La principale cause reste les nombreux travaux d’infrastructures routières et urbaines dans la zone du projet, qui ont provoqué des casses récurrentes sur le réseau. Par conséquent, le taux de rentabilité économique a été révisé de 17 % à 11 %, et le taux de rentabilité financière de 8 % à 4,5 %.
Si l’efficacité globale du projet est jugée « satisfaisante » par la Bad, son efficience, notamment en termes de respect du calendrier, est restée faible. Initialement prévu pour s’achever en 2020, le projet a connu quatre prorogations, avec une clôture effective intervenue finalement en décembre 2024.
Entre autres enseignements majeurs, le rapport de la Bad indique que l’alignement sur les priorités nationales a facilité l’appropriation du projet par la Soneb et le gouvernement, en cohérence avec l’Objectif de développement durable (Odd) 6. L’assistance technique « à la demande » s’est révélée plus efficace et moins coûteuse que les dispositifs permanents.
Enfin, la coordination entre projets urbains et investissements hydrauliques apparaît indispensable pour éviter la contradiction entre modernisation des villes et sécurisation de l’accès à l’eau.
Une durabilité en question
Sur le plan financier, la Soneb a amélioré la couverture de ses charges d’exploitation (174 % en 2023). Les nouveaux compteurs, plus performants, devraient limiter les pertes commerciales et améliorer la facturation. Le projet a aussi renforcé les capacités techniques et managériales des équipes de la Soneb.
Cependant, la question de la durabilité repose sur la poursuite des efforts de maintenance préventive et sur la capacité de l’État à mieux coordonner ses chantiers urbains avec les réseaux d’eau.
Le rapport conclut que, malgré des résultats mitigés en matière de réduction des pertes, le projet a jeté les bases d’une meilleure gestion du patrimoine hydraulique béninois. En cela, il contribue aux objectifs du Programme d’actions du gouvernement (Pag 2021-2026) et à la vision de la Bad pour une croissance inclusive et verte.