Les perspectives de croissance de l’économie béninoise sont favorables mais sujettes à plusieurs risques majeurs susceptibles de freiner son expansion à moyen terme. Ces incertitudes, qu’elles soient d’ordre géopolitique, sécuritaire, climatique ou financier, appellent à une vigilance constante et à des stratégies de résilience renforcées.
Par Aké MIDA
Ressortie vigoureuse en 2024 avec un taux affiché à 7,5 %, la croissance du Bénin devrait maintenir sa dynamique jusqu’en 2028, selon les projections contenues dans le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (Dpbep) 2026-2028. Ces projections intègrent néanmoins des incertitudes et risques liés à la conjoncture mondiale, régionale et nationale qui pourraient compromettre l’élan de l’économie sur la période.
L’environnement international reste instable et pesant sur les échanges mondiaux : la prolongation du conflit russo-ukrainien, la montée des tensions au Moyen-Orient, et les perturbations dans des zones stratégiques comme la Mer Rouge constituent autant de chocs exogènes susceptibles d’impacter le commerce et l’inflation au Bénin.
A cela s’ajoute le durcissement de la politique douanière américaine, avec un relèvement des tarifs et des mesures de représailles commerciales de la part d’autres pays, qui pourraient ralentir davantage le commerce international et accroître l’inflation mondiale. Bien que le Bénin ne soit exposé qu’indirectement. Les exportations vers les Etats-Unis représentaient 5,4 % des exportations totales du pays en 2024 (Instad, 2025) contre respectivement 0,3 % et 1,0 % en 2022 et 2023. Ces tensions pourraient donc affaiblir la demande globale et affecter la croissance nationale.
Dans un contexte mondial marqué par la lutte contre l’inflation, les grandes banques centrales ont relevé leurs taux directeurs, provoquant un renchérissement des emprunts sur les marchés financiers internationaux. Cette situation rend plus coûteux le financement des projets d’investissement publics et privés dans les pays en développement, y compris au Bénin.
Le pays a néanmoins pris les devants en sécurisant ses besoins de financement pour 2025 et en adoptant une gestion prudente de la dette, à travers l’allongement des maturités, la diversification des instruments et l’élargissement de la base d’investisseurs.
Enjeux sécuritaires et géopolitiques
Sur le plan sécuritaire, malgré une stratégie active de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent, une détérioration de la situation au nord du pays ou dans la sous-région pourrait affecter l’activité économique.
Selon la direction générale de l’Economie (Dge), une baisse de 10 % des flux touristiques entraînerait une perte de 0,23 point de croissance et une chute de 1,53 % des recettes fiscales. Plus grave, une contraction de 10 % des investissements privés se traduirait par une réduction de 4,5 points du taux de croissance et une baisse de 2,5 points des recettes fiscales.
A cela s’ajoute l’effet des élections générales prévues en 2026. Comme souvent, la période pré-électorale peut engendrer un attentisme de la part des investisseurs. Une réduction de 10 % des investissements par rapport aux prévisions réduirait la croissance de 2,4 points, d’après les simulations. Cependant, la stabilité institutionnelle et la maturité démocratique du pays jouent un rôle d’atténuation important.
Le Nigeria, principal partenaire commercial du Bénin, constitue également une source d’exposition. Une forte dépréciation du naira ou une flambée des prix des carburants sur les marchés informels peuvent accentuer les tensions inflationnistes au Bénin et ralentir la dynamique commerciale.
Climat, variable difficile à maîtriser
Les aléas tels que sécheresses, inondations, pluies excessives, invasions de criquets ou élévation du niveau de la mer impactent sévèrement l’agriculture, pilier de l’économie béninoise. Selon les simulations, une baisse de la production agricole de 10 % pourrait réduire la croissance économique de 2 points, toutes choses égales par ailleurs. Sur le plan budgétaire, cela entraînerait une diminution des recettes fiscales de 0,6 %.
Pour faire face à ces risques, le Bénin a mis en place plusieurs dispositifs tels que le Fonds national de réponse aux catastrophes (Foncat), la prise en compte du risque climatique dans les projets publics et un plan national d’adaptation et d’atténuation des effets climatiques, incluant la maîtrise de l’eau et le développement de semences adaptées.
Au regard de ces menaces, la vigilance et la capacité d’adaptation restent essentielles. La politique de diversification économique du gouvernement, conjuguée à une gestion prudente de la dette et à une stratégie d’investissement soutenue, vise à renforcer les secteurs stratégiques comme l’agriculture, l’énergie, le numérique ou encore le tourisme.
Par ailleurs, la stratégie de l’Etat combine actions civiles et militaires, appuyées par des mesures sociales et économiques pour renforcer la cohésion sociale et le développement local dans les zones vulnérables.