Longtemps cantonnée au rôle de culture de rente, la noix de cajou s’impose aujourd’hui comme un pilier de la stratégie économique du Bénin. Mais entre potentiel et défis, la filière peine encore à libérer toute sa puissance de transformation locale.
Aké MIDA
Avec une production passée de 135 000 tonnes en 2017 à plus de 187 000 tonnes en 2022, la filière anacarde affiche une croissance de 40 % sur cinq ans. Cette performance remarquable, révélée par la direction de la Recherche et des Etudes stratégiques (Dres/Dge) du ministère de l’Economie et des Finances du rapport « Contribution de la filière anacarde à l’économie béninoise » publié fin juin 2025, confirme le rôle central de la noix de cajou dans l’économie béninoise.
Troisième pilier de l’économie nationale après le coton et le port de Cotonou, l’anacarde représente jusqu’à 25 % des revenus de l’agriculture d’exportation et environ 3 % du Produit national brut, selon l’Observatoire du Commerce, de l’Industrie et des Services (Ocis) (Ocis, 2023). Pourtant, en dépit d’une capacité installée de plus de 60 000 tonnes, à peine 10 % de la production est transformée localement, selon la direction de la Statistique agricole (Dsa/Maep, 2024). Un paradoxe que le gouvernement entend corriger à travers des réformes ambitieuses.
Sur la période 2017-2022, la filière anacarde a contribué en moyenne à hauteur de 2,45 % à la valeur ajoutée du secteur primaire, 0,85 % au secteur secondaire et 1,06 % au secteur tertiaire, selon la direction générale de l’Economie (Dge, 2025).
La transformation locale, encore faible, a tout de même progressé, portée notamment par l’entrée en service d’unités industrielles dans la Zone économique spéciale de Glo-Djigbé (Gdiz) où 57 000 tonnes de noix ont été traitées en 2023. En parallèle, la production de jus de pommes de cajou et l’exportation d’amandes transformées prennent de l’ampleur, avec respectivement 250 et 1 200 tonnes traitées (Dsa, 2024).
Gisement d’emplois encore trop précaire
La filière anacarde fait vivre plus de 200 000 personnes au Bénin, avec une forte implication des femmes (54,3 % de la main-d’œuvre), notamment dans les activités de collecte, de transformation artisanale et de commercialisation. Toutefois, la précarité de l’emploi y reste préoccupante : 70,4 % des travailleurs sont temporaires et moins de 9 % bénéficient d’une couverture sociale (Oit, 2020).
Les emplois sont également peu qualifiés : 60 % des travailleurs n’ont pas de compétences en machines automatisées, 49 % éprouvent des difficultés avec le traitement des chiffres et 41 % manquent de notions de logistique (Oit, 2019). Cette situation freine le développement d’une chaîne de valeur véritablement performante et inclusive.
Pour inverser la tendance, le gouvernement béninois a interdit, à compter du 1er avril 2024, l’exportation de noix brutes (décret n°2022-214 du 30 mars 2022). L’objectif était d’obliger les acteurs à transformer localement pour capter davantage de valeur ajoutée et stimuler l’industrialisation agricole.
La rentabilité de la transformation justifie cette orientation. Pour 100 F Cfa investis, les bénéfices s’élèvent à 90 F Cfa dans le cas des amandes transformées, contre 65 F Cfa pour les noix brutes et 34 F Cfa pour le jus de pomme cajou (Ocis, 2024).
Des défis structurels persistants
Malgré ces avancées, de nombreux obstacles freinent encore la compétitivité de la filière. Il s’agit de : la gouvernance encore partiellement inclusive, la faible structuration des coopératives, le manque de financement, l’accès limité au foncier et le déficit d’infrastructures logistiques.
Par ailleurs, la chute des recettes d’exportation qui sont passées de 80 milliards F Cfa en 2018 à environ 20 milliards en 2022, révèle une fragilité structurelle accentuée par la dépendance aux marchés extérieurs et aux cours mondiaux.
Le rapport du Dres identifie six axes prioritaires pour renforcer la filière anacarde, notamment la productivité à travers la diffusion de semences améliorées et le conseil agricole renforcé, le développement de zones industrielles et les incitations à l’investissement, la révision du cadre réglementaire et la structuration des acteurs. Il est aussi question de favoriser l’accès au marché à travers les labels qualité, la certification biologique et la diversification. A cela s’ajoutent des actions pour la promotion de l’entrepreneuriat féminin et de la jeunesse et les pratiques agroécologiques et la reforestation. Toutes choses qui permettront de faire de la filière anacarde un moteur de croissance inclusive et durable au Bénin.